Les origines du chant liturgique chrétien
Le chant liturgique chrétien puise ses racines dans le chant de l’antique Synagogue. C’est de celle-ci que les premières communautés chrétiennes tiennent les textes sacrés. En effet, la plupart des textes des chants liturgiques de l’Eglise Romaine proviennent de l’Ancien Testament : principalement des Psaumes, mais aussi des Prophètes (notamment Isaïe), et aussi d’autres livres bibliques : Cantique des cantiques, Genèse, Exode, Livre de la sagesse, ...
La musique juive antique
La tradition de la musique juive du temps de Jésus a été perdue au moment de la dispersion des juifs en 71 après J‐C).
Il y avait deux sortes de musique juive :
Au Temple de Jérusalem, on jouait des instruments souvent très sonores.
Ils sont cités dans plusieurs textes bibliques, notamment au psaume 150 qui clôt le psautier du Roi David.
Dans les synagogues, au retour de l’exil à Babylone du peuple juif, la prière biblique remplaça
les sacrifices par des leçons (textes commentés), des cantiques et psaumes, des supplications et bénédictions. Les passages de l'écriture sainte
y étaient chantés par des solistes sans accompagnement. Un procédé de composition musicale que l’on appelle cantillation,
qui est commun à de nombreuses cultures, chacune l’utilisant avec ses modes musicaux et ses techniques vocales.
Le chant primitif chrétien
Nous citons ci-dessous deux paragraphes de l’excellent mémoire inédit de Daniel Saulnier : Les Modes du Plain-chant - Nova et Vetera (Musique, musicologie et arts de la scène, Université François-Rabelais de Tours, 2015).
La cantillation
Au commencement était le Verbe (Prologue de l’Evangile de St Jean).
« À la suite des liturgies juives, les plains-chants occidentaux ont trouvé leur source première dans la cantillation de la Bible et des textes du culte chrétien. Deux musiciens de traditions et de langues différentes sont capables d’un véritable dialogue d’ordre musical, monodique et verbal...
Dans la tradition judéo-chrétienne, l’élément constitutif de la cantillation
peut être représenté à la manière d’une ligne mélodique horizontale tendue sur laquelle les mots du texte viennent
recevoir une information musicale : on l’appelle la corde de récitation ou de
cantillation. La matérialité du texte se traduit dans la succession souple des syllabes
qui chantent de façon plus ou moins égale sur la corde, tandis que le rythme du texte latin anime cette structure
de son dynamisme et donne naissance à différents types d’ornements musicaux. Cette symbiose musico-verbale se réalise
au sein d’une culture vocale particulière et de configurations rituelles qui expliquent la conduite et ce que nous
appelons les ornements du chant.
Contrairement à une idée reçue, cette cantillation n’est pas – le plus souvent – un recto-tono, et elle n’est pas
nécessairement indigente en ornements, car les développements organiques ne se font pas toujours par progression
du simple vers le complexe. » (Daniel Saulnier)
Le système musical de la cantillation s’est donc perpétué dans le chant byzantin et grégorien. Comme pour les juifs, le chant sacré exprime et intériorise la Parole divine, puis retourne à Dieu comme louange et aussi comme supplication.
Les formes du récitatif liturgique
Il existe plusieurs formes de récitation chantée de l’Ecriture sainte :
- Le recto tono : le texte est chanté sur la même note.
- La cantillation, dont il est question ci-dessus, avec ses petites formules d’ornement qui ponctuent les phrases.
- La psalmodie, forme plus élaborée, héritée de la tradition juive,
comportant des ornements, des pauses, et des formules de conclusion, au milieu et à la fin des versets.
Les réponses de l'assemblée se caractérisent par de brefs refrains ou formules exprimant l’adhésion de l’assemblée : Amen, Alleluia, doxologies (par ex. le Gloria Patri dans la liturgie latine). C'est l'origine du chant responsorial qui s’est fortement développé dans les abbayes et communautés religieuses d'Orient, puis d'Occident : le psalmiste, chante un verset du psaume et laisse la communauté reprendre la responsa » (réponse) ainsi que l’attestent St Augustin et St Jérome.
Cette forme est à l'origine de deux types de réponses :
- L’antienne (en latin antiphona), apparaît vers le IV° siècle en Occident : elle résume l'esprit du psaume et l’encadre ou se chante entre les versets du psaume. La formule consistant à faire alterner deux choeurs pour chanter le psaume a été introduite à Constantinople par St Jean Chrysostome, et en Occident par St Ambroise, évêque de Milan.
- Le répons, pièce mélismatique (chant orné de plusieurs notes par syllabe) qui suit une lectures de l’écriture sainte ou un commentaire de celle-ci.
Les hymnes
Terme à mettre au féminin lorsqu’il s’agit de la liturgie, l’hymne est une forme musicale et poétique commune à toutes les religions de l’Orient. Pratiquées par les premiers chrétiens (St Paul : Col 3,16 ; Eph 5,19), ce sont des poèmes de louange de forme mélodique, strophique et métrique, contrairement à la psalmodie. La plus ancienne hymne latine connue est le Te Deum, que la tradition fait remonter au IIIè ou IVè siècle.
L’évolution
La dissémination du christianisme dans le bassin méditerranéen et son adoption officielle au IVè siècle par l’Empire romain de Constantin - qui réunissait alors une grande diversité de cultures - et l'assimilation par le christianisme de certains rites appartenant aux religions pré-chrétiennes ont contribué à la diversification des chants dans la liturgie chrétienne. En Orient, les divisions et hérésies qui marquèrent l’histoire religieuse des premiers siècles favorisa les particularismes liturgiques. L’Occident chrétien ne fut pas épargné, d’autant que l’Empire romain commença à s’affaiblir. Des répertoires musicaux liturgiques locaux se développèrent à Milan, à Rome, en Italie du sud notamment autour de Benevento, en Espagne, en Irlande et dans les Gaules. Ce sont les répertoires paléo-chrétiens d’Occident, antérieurs au chant que l’on a appelé par la suite chant grégorien.