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                Plain-chant, polyphonie et Art oratoire du Grand siècle * * * * * Jacques BACHELIER et L'ENSEMBLE TRECANUM interprèteront le SERMON SUR LA MORT de BOSSUET * * * * * STRASBOURG, 15 novembre à 20 h, église Saint-Louis-en-ville MULHOUSE, 17 novembre à 17 h, église Sainte-Marie

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Polyphonie

Très tôt, les chanteurs liturgiques ont pratiqué la polyphonie. D’abord improvisée par les chantres pour donner plus de relief et de solennité aux fêtes ou à des moments plus importants de la liturgie, la polyphonie est une architecture sonore qui a pour fonction d’amplifier le chant liturgique.

L’évolution se produit en plusieurs phases :

À partir du chant grégorien (ou des répertoires liturgiques qui l’ont précédé) une seconde voix vient doubler la première à un certain intervalle, C’est ce qu’on appelle l’organum parallèle. La première trace attestée et connue de cette pratique remonte au célèbre traité Musica Enchiriadis (IXe siècle). La seconde voix se déploie selon les règles des consonances pour assurer l'harmonie de l'ensemble, car le chant sacré, représentatif de la perfection divine, se doit de porter au mieux la prière de l’assemblée vers Dieu.

Manuscrit de Musica Enchiriadis
Manuscrit de Musica Enchiriadis

Plus tard, la voix organale sera appelée discantus (déchant), ce qui donne son nom à ce second procédé. Les deux voix se déploient progressivement, avec davantage d’autonomie, notamment par mouvement contraire, mais toujours note contre note. Le chant se termine par un unisson.

À partir du XIIè siècle, l'organum évolue et devient organum fleuri ou organum mélismatique, c'est-à-dire « organum à vocalises ». Désormais, la voix principale, toujours en bas et appelée, en latin, tenor, ce qui signifie teneur car elle « tient » le chant, déroule le thème grégorien en valeurs longues. Les grands maîtres de Notre-Dame de Paris - que l’on nomme aujourd’hui Ecole Notre-Dame - ajouteront une troisième voix (triplum) puis une quatrième voix (quadruplum) à l'édifice polyphonique, offrant ainsi aux fidèles une architecture sonore qui peut être vue comme le pendant musical de l’architecture du gothique naissant. A cette époque, seul le chœur de la cathédrale Notre Dame de Paris était construit. La polyphonie provoque ainsi une véritable révolution au plan de l'esthétique musicale en Occident.

Du point de vue des durées, le rapport est d'une note — à la voix principale — contre plusieurs à la voix organale, qui forme de véritables guirlandes ornementales (vocalises).

En ce qui concerne les intervalles utilisés à cette époque :

Au XIIIè siècle, l'organum est progressivement remplacé par le conduit (conductus)et le motet.

Le conduit, variété d'organum, est une forme musicale para-liturgique — sur des textes souvent moraux — dans laquelle la voix principale n'est pas issue du répertoire liturgique, mais purement composée pour l'occasion. Exemple : conduit pour le sacre de Saint Louis.

Le motet, fondé sur un tenor de mélodie de plain-chant, est dérivé de l'organum fleuri ; aux XIVè et XVè siècles, il peut parfois développer une pluralité de textes chantés simultanément (sans qu'ils aient toujours de lien entre eux), mêler le latin au français médiéval, et même des textes profanes aux textes sacrés...

Une des grandes innovations de l’Ecole Notre-Dame, dès la fin du XIè siècle, a été la mesure du temps. Au plain-chant monodique — le chant grégorien — s’oppose le chant mesuré, avec une notation proportionnelle. Le rythme de cette musique fonctionne de manière assez systématique en modes rythmiques (modus = mesure), lesquels sont au nombre de six, fondés sur le rapport de la valeur brève et de la valeur longue.

Dans un premier temps, des ordres religieux comme les cisterciens ont exclu de leurs offices les polyphonies au temps mesuré, car pour eux, c’était introduire dans le temple de Dieu une notion trop quantifiable, trop humaine. Toutefois, ils ne tarderont pas très ongtemps à adopter la polyphonie : beaucoup de manuscrits polyphoniques proviennent en effet de monastères cisterciens.

Manuscrit Ecole Notre-Dame
Manuscrit de l'Ecole Notre-Dame (début d’alleluia)

Au XIVè siècle naît un courant appelé Ars nova (art nouveau), en réaction à un art désormais considéré comme ancien (ars antiqua). Englobant une grande partie du XIVè siècle, citons, parmi ses illustres représentants, Guillaume de Machaut et Philippe de Vitry, auteur d’un traité théorique sur la musique. L'usage liturgique de la musique de l'Ars Nova fut l’objet de controverses. On alla même jusqu’à comparer une forme très fréquente de mouvements rythmiques appelée hoquet (Hoquetus) à des hennissements de chevaux ! Mais comme l’innovation dans le domaine du langage musical finit généralement par balayer toute réticence, l’ars nova, après avoir été fermement rejeté par le pape Jean XXII, finit par être accepté par son successeur Clément VI.

A la fin du XIVè siècle, l’Ars subtilior développe un raffinement et une complexité qui dépasse les innovations de l’Ars nova. La Renaissance n’est pas très loin, notamment en Italie.

Messe de Machaut
Messe de Machaut

 

Rondeau de bande Cordier
Rondeau de bande Cordier

Nous nous arrêtons là car ces lignes ne sont qu’une introduction succincte à l’univers de la polyphonie au Moyen Âge. Pour aller plus profondément dans ce monde extrêmement riche, il convient de se reporter à des études plus complètes.

De même, nous ne ferons qu’évoquer brièvement les nombreux instruments de musique utilisés au Moyen Âge, dans la musique profane mais parfois aussi à l’église et dans les pèlerinages. Les représentations de harpes, vièles, guiternes, flûtes et autres instruments à anches et à percussion sont présents dans de nombreuses sculptures, fresques et enluminures. Pour des précisions sur l’instrumentarium du Moyen Âge, il convient de se reporter aux études, publications et bibliographies existantes sur le sujet. Citons seulement l’orgue, portatif, mais aussi le grand orgue : car des orgues de grande taille installés en tribune sont signalés çà et là dès le Xe siècle ; et au XIè siècle, un traité décrit les étapes de la construction d’un orgue d’église.

Les instruments n’intervenaient pas dans le chant liturgique proprement dit : en effet, le chant grégorien, qui pouvait être utilisé comme teneur dans une architecture sonore polyphonique, est en lui-même une monodie, qui, en tant que telle, ne s’accompagne donc pas, du moins au sens moderne du terme.